Faire face au coronavirus aujourd'hui, et définir la société de demain. Appel à Sophie Wilmès

Time_for_change.jpg

Madame Wilmès, 

Notre démarche citoyenne ne relève d’aucune position doctrinaire, et veut transcender les appartenances politiques. Nous pensons que la crise, grave, qui frappe notre pays impose que l’intérêt public guide les décisions, et que pendant cette période, il ne soit pas question que des calculs politiciens ou intéressés prennent le pas sur l’impératif de salut public. C’est dans ce sens que nous interprétons les pouvoirs spéciaux que le parlement a octroyés à votre gouvernement pour gérer la crise du Coronavirus. Mais c’est aussi à travers vous, au niveau fédéral, chapeautant et coordonnant l’ensemble de l’action publique, que nous nous adressons aux pouvoirs et aux gouvernements fédérés, réalités de nos structures institutionnelles complexes.

Au sortir de cette crise, un nouveau contrat social sera à l’ordre du jour

Dès à présent nous le signalons : nous ne voulons pas d’un retour au statu quo ante,

  • qui nous a déjà servi des crises financières et bancaires épongées par les citoyens,
  • qui ne reconnaît pas à sa juste valeur le travail d’intérêt public, du personnel de santé, et du personnel enseignant,
  • qui a fragilisé le contrat d’emploi,
  • qui maintient beaucoup de personnes âgées dans une situation précaire (pension et grapa),
  • qui a augmenté le nombre des sans-abri et des rejetés,
  • qui restreint l’accès aux études pour nos jeunes,
  • qui a réduit l’offre de soins hospitaliers tout en augmentant le prix des médicaments,
  • qui nous a jeté en pâture à cette peste ravageuse qui avait été prédite [1],
  • qui nous a vus devenir une menace pour notre écosystème, rongeant ses ressources et ses fragiles équilibres qui pourtant nous sont vitaux !  

Dès à présent nous vous demandons :  

  1. De communiquer de manière transparente sur la crise sanitaire, et d’organiser des émissions télévisées régulièrement  pour informer des actions futures, et pour  faire le point sur le budget fédéral et la dette publique.
  2. De préparer et renforcer notre système de santé pour résister sur la durée (18 mois), et faire face à une résurgence probable.
  3. De préparer le pays à redresser son économie en consultant toutes les forces vives du pays sans considérations idéologiques : des décideurs agissant dans l’intérêt public et un plan (objectifs et allocation des ressources) non doctrinaire.
  4. De vous pencher déjà sur un nouveau contrat social pour l’avenir (qui inclura plus que la santé : la justice sociale, la planète…)    

 

Sur quoi se fondent nos demandes?

A.           Regardons l’avenir, car la crise est loin d’être finie.

Quel est l’horizon de temps ? Tant que la capacité de tests sera insuffisante, des mesures de confinement seront nécessaires. Si l’on se réfère à une étude épidémiologique[2], l’horizon de ces mesures pourrait durer jusqu’au-delà du printemps 2021, avec des modalités de type « stop & go », déclenchées sur base de seuils de prévalence du COVID-19 dans la population. La crise à laquelle nous sommes, tous ensemble, confrontés, va donc exiger des efforts sur une période telle que des adaptations importantes, radicales, devront  intervenir notamment sur les plans économiques, industriels et sociaux.  

B.           Quel est l’horizon épidémique ?

Celui-ci peut être « borné » par l’arrivée effective, sur le terrain, d’un vaccin. La durée généralement évoquée est de 12 mois au strict minimum, plus probablement de 18 mois. Si le défi pour la recherche et les essais est relevé, celui  qui se posera pour l’industrie en vue assurer la disponibilité mondiale du vaccin,  va être gigantesque. Par ailleurs, les modèles épidémiologiques prédisent une probable résurgence forte de l’épidémie à l’automne-hiver 2020. Facteur aggravant, cette recrudescence se combinera probablement avec le pic de la grippe saisonnière. Les conséquences en termes de pression sur la capacité de notre système de santé publique (de la première ligne jusqu’aux soins intensifs, et au-delà, vers les capacités de quarantaine, de guérison) risquent de dépasser ce que nous vivons avec le pic actuel.  

C.           Notre société est aujourd’hui confrontée à de nombreux phénomènes négatifs

1.  Manque de matériel médical au sens large (gel désinfectant, masques, EPI, oxygène, respirateurs, médicaments et fournitures médicales, …) non seulement dans les hôpitaux, mais aussi les maisons de repos, pour les soignants à domicile, la médecine et les para-médicaux de première ligne… Pour certains matériels, ce manque affecte aussi de nombreuses professions essentielles (distribution, sécurité, nettoyage, accueil, ramassage des ordures, livreurs …). Et au-delà, c’est toute la population qui vit dans la crainte : nous n’avons pas les masques que nous voudrions porter pour suivre l’exemple apparemment salutaire de nombreux pays asiatiques ; le gel désinfectant est rationné. Ce sujet d’angoisse est critique, selon nous, pour la crédibilité du gouvernement et des autorités publiques. Nous avons d’ailleurs observé, depuis le 30 mars, que le discours officiel se modifie graduellement sur ce point, sans doute en préparation d’une prochaine obligation du port du masque, lorsqu’il y en aura en suffisance. Sur ce point de communication, Madame Wilmès, nous vous demandons de faire preuve d’honnêteté, de sincérité et d’assertivité : le peuple belge saura le comprendre. En revanche une communication hypocrite jettera le doute sur  votre crédibilité.

2.   Dans la durée, le personnel médical et soignant confronté au COVID-19 va subir une attrition. Il faut renflouer  les rangs, mais aussi augmenter la capacité en vue de la résurgence annoncée : l’hiver sera vite à nos portes ! Des mesures urgentes en matière de formation sont requises. Une demande d’aide internationale pourrait aussi être envisagée.

3.  Les maisons de repos manquent de personnel, ce qui pourrait amener à une situation critique qu’il faut anticiper ; pour reprendre les termes du Gouverneur de New York au début de la crise là-bas : « c’est mon pire cauchemar ». Nous sommes certains, Madame Wilmès, que vous en êtes consciente et que vous portez également ce lourd fardeau.

4.   Entreprises, commerces, indépendants, et la main-d’œuvre qu’ils emploient : à l’arrêt, au ralenti, en chômage technique, du fait des mesures de confinement. Il y a aussi des ruptures des chaînes d’approvisionnement, d’autant plus rapides que basées sur les flux tendus, d’autant moins contrôlables, que les sources sont lointaines du fait de la mondialisation.

5. En même temps d’autres entreprises, commerces, entrepreneurs, exploitations agricoles manquent de bras.

6.  De nombreux citoyens, seuls ou en association, des entreprises, des universités… font preuve d’une énorme capacité d’innovation, notamment pour soutenir les efforts de nos héros de cette heure : les soignants.  Ils font aussi preuve d’une extraordinaire générosité, par les nombreuses actions bénévoles, comme les repas que des cuisiniers de Charleroi notamment offrent au personnel hospitalier. Nous attirons votre attention : ces flux, non monétisés parce que bénévoles, ne « font pas tourner » l’économie autant que s’ils étaient financés… Des solutions d’urgence innovantes sont à mettre en place par les pouvoirs publics à cet égard.

7. Beaucoup de travailleurs (soignants, pompiers, grande distribution, petits commerçants, …), dont le travail est aujourd’hui essentiel sont inquiets. Le manque de matériel de protection sape leur moral. Ils se posent bien des questions sur leur sécurité, le risque de contagions qu’ils représentent pour le public, pour leur famille. Il faut répondre à leurs attentes, tant en matériel qu’en informations crédibles.

Tout ceci aboutit en un énorme problème complexe, multi-dimensionnel, d’allocation de ressources. Nous parlons ici non pas tant des ressources financières. Nous parlons des outils de production, des matériaux, de la main d’œuvre et du savoir-faire.       

D.        Face à ce problème, vous avez besoin de décideurs et d’un plan, efficaces.

Les décideurs : Vous êtes entourée des experts du moment, mais aussi des femmes et des hommes politiques, démocratiquement élus selon les lois de notre nation souveraine. Ensemble, vous êtes les gestionnaires et les décideurs dans cette tempête. Le jeu politique normal veut que vous tous, femmes et hommes politiques, vous vous souciez des prochaines élections, de la prochaine sanction populaire. Et cela risque de paralyser certains d’entre vous. Mais nous ne sommes pas, le temps de cette crise, dans le jeu politique habituel.

Voici le message que nous voulons vous adresser pour ce premier aspect : pour le bien de toute la population qui vit sur le territoire belge, vous devez prendre les meilleures décisions. Nous n’accepterons pas que ces décisions, à quelque niveau que ce soit, relèvent de calculs politiques. Aujourd’hui, en l’attente des prochaines élections, nous ne disposons pas de la sanction électorale ; mais nous ne pouvons pas attendre et voir… Certes, nous pouvons ouvrir un petit carnet noir et y noter toutes les déficiences de nos élus, les sujets sur lesquels nous demanderons des comptes. Mais ce n’est pas de cela dont nous avons besoin. Nous avons besoin que vous, Madame Wilmès, entourée des responsables politiques, qui ont compris ce que l’heure grave exige, veilliez à démettre sans tarder les décideurs, politiques et administratifs, qui agiraient en fonction de calculs politiciens, plutôt que dans l’intérêt public. Et que vous mettiez des personnes honnêtes et compétentes aux postes clés.  

Le plan : Ces meilleures décisions, visant l’intérêt public, ne doivent pas se prendre seulement dans les cabinets ministériels et les partis. Face à l’ampleur et à l’urgence du problème d’allocations évoquées ci-dessus, rassembliez les forces vives autour de vous : industrie, syndicats, grandes associations, acteurs de la santé, universités… Envisagez d’y associer un comité de simples citoyens. Il faudra afficher une transparence totale envers l’ensemble de la population  (budget, dettes, planification des actions…). Des émissions télévisées - non politiques - dédiées à cet effet prendront le temps d’expliquer didactiquement et pédagogiquement la gestion du pays.

 

Yasmina VANALME         chargée de cours

Carine BASLÉ                citoyenne belge

Gilles MEURA                 consultant indépendant

Sur Facebook : La société après le CoronaVirus

_____________________________________________

Notes :

[1] Notamment par Nassim Taleb, et par Bill Gates.

[2] Social distancing strategies for curbing the COVID-19 epidemic, Kissler, Tedijanto, Lipsitch, Grad – Harvard; si les données sont relatives aux États-Unis, les tendances et conclusions générales sont transposables à notre pays, moyennant notamment la prise en compte de notre capacité hospitalière.


La société après le CoronaVirus    Contacter l'auteur de la pétition

Signer cette pétition

En signant, j'autorise La société après le CoronaVirus à transmettre les informations que je fournis sur ce formulaire aux personnes ayant un pouvoir de décision sur cette question.

Nous ne publierons pas votre adresse e-mail en ligne.

Nous ne publierons pas votre adresse e-mail en ligne.







Publicité payante

Nous ferons la promotion de cette pétition auprès de 3000 personnes.

Apprendre encore plus...