Pour un verdict plus approprié pour Guy Turcotte


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2011-07-10 09:32

Olivier et Anne-Sophie, le cardiologue Guy Turcotte a choisi de témoigner pour sa défense. Questionné par son avocat, puis par l'avocate de la Couronne, l'accusé a passé huit longs jours à la barre des témoins, passant par toute la gamme des émotions. Voici un condensé de ce qu'on y a appris.
Le p'tit nerd
Issu d'une famille modeste de Saint-Hubert, sur la Rive-Sud de Montréal, Guy Turcotte est le troisième de six enfants.
Ses parents sont très religieux, catholiques pratiquants impliqués dans un groupe de prières. Durant sa jeunesse, Guy allait à la messe chaque dimanche.
Mais dès l'adolescence, il a mis la religion de côté et aujourd'hui, il se considère athée. Une situation qui a chagriné ses parents, a-t-il dit. Malgré cela, il s'est marié à l'église, avec Isabelle Gaston.
Jeune, il était le «p'tit gars qui se fait écoeurer et niaiser par tout le monde», avec ses grosses lunettes.
«Je passe même pour le p'tit nerd », dit-il.
À l'adolescence, il se débarrasse enfin de ses verres. Il gagne des sous comme sauveteur dans des piscines, puis moniteur, donnant des cours de natation aux enfants.
À l'école, son amour de la biologie l'a amené à étudier en sciences de la santé, puis en médecine
. C'est de justesse qu'il a été accepté, à la toute dernière minute, à l'Université Laval. Après 11 ans d'études, il est devenu cardiologue.
C'est durant sa troisième année de résidence en médecine qu'il a rencontré Isabelle Gaston, dans un cinq à sept sur la Grande-Allée. Il en est tombé follement amoureux immédiatement.
Mais la jolie blonde, intelligente, énergique, ayant beaucoup d'entregent, n'était pas prête à une nouvelle relation : son conjoint précédent était décédé d'un accident de la route et elle vivait encore le deuil.
Plus tard, ils sont allés vivre ensemble. À l'été 2003, ils se sont mariés. Deux enfants sont nés de leur union : Olivier, en avril 2003 (peu avant le mariage), suivi de sa soeur Anne-Sophie, en décembre 2005.

C'est probablement avec l'arrivée des enfants que le couple s'est effrité. Les parents avaient tous les deux des emplois de médecin, travaillaient très fort, avec des horaires irréguliers.

«C'est là que ça va devenir plus difficile à concilier travail et famille», a dit Turcotte.

Les disputes se sont multipliées : elles tournaient souvent autour du partage des tâches. Isabelle reprochait à Guy de ne pas en faire suffisamment dans la maison. Il acceptait difficilement la critique.

«Je deviens down. Je tombe dans un mutisme de deux, trois jours. Je boude», dit-il.

Parallèlement, on constate que Turcotte est comme un enfant dans un corps d'homme. Il prend bien peu de décisions, pas plus sur les rénovations majeures dans la maison familiale que pour organiser des activités sociales ou pour améliorer les relations amoureuses qui se détériorent. Tout est l'affaire d'Isabelle.

De plus, Turcotte a admis être plus à l'aise avec des enfants qu'avec des adultes. Cela explique sans doute pourquoi il était constamment à jouer avec les enfants, lors de rencontres familiales, plutôt que de discuter avec les adultes.

«C'est comme si, quand je suis avec mes enfants, c'est ma consolation. C'est là que je trouve du réconfort.»

En décembre 2008, «c'est la chicane tout le temps, tout le temps, tout le temps».

Le gouffre
À quelques reprises durant la relation, Isabelle a découvert que Guy consultait de la pornographie gaie sur internet. En plus des disputes incessantes, voilà une situation qui mettait du plomb dans l'aile de leur relation.

À l'automne 2008, Isabelle Gaston est de-venue amoureuse de son entraîneur personnel, Martin Huot. L'infidélité demeure cachée, mais, à certains moments, Turcotte ne reconnait plus son Isabelle.

C'est la conjointe de Martin Huot qui a découvert le pot aux roses, en lisant les courriels de Huot : elle y a trouvé les lettres d'amour des deux amants.

Guy Turcotte a été mis au courant de ces lettres quelques jours avant un voyage à Cancún, avec Isabelle et les enfants, voyage qui aura lieu tout de même, pour éviter de peiner les enfants. Ce n'est qu'au retour que Turcotte pliera bagage et ira vivre dans une maison qu'il a louée pour trois mois, à Piedmont.

Durant les quatre semaines qui ont suivi, Guy Turcotte a sombré dans le désespoir : il avait l'impression de s'être fait voler sa femme, ses enfants, sa maison. Il s'est aussi senti trahi tant par sa femme que son très bon ami.

Turcotte dit devenir fâché, en colère, angoissé, stressé, surtout qu'il se retrouve seul dans sa maison. Souvent, il pleure, pleure et pleure encore.

Il déprime à voir Martin Huot prendre de plus en plus de place, notamment quand il va au Carnaval de Québec avec ses enfants.

Puis, le 20 février 2009, le jour même du drame, il apprend que son exconjointe a fait changer les serrures de la maison. Et qu'il n'y a plus accès. C'est la goutte qui fait déborder le vase.

Il promet «la guerre» à Isabelle.

Le lave-vitre
Le soir du drame, le désespoir était au rendez-vous. Turcotte pleurait. Après avoir écouté un film de Caillou avec ses enfants, Turcotte les a couchés. Étrangement, il les met au lit plus tôt qu'à l'habitude.

Puis, il a lu et relu les échanges amoureux d'Isabelle et de Martin Huot.

«Quand j'y repense, je me trouve ridicule. Je n'aurais jamais dû faire ça», dit-il. (donc il se souvient)

Il a résolu qu'il devait en finir avec la vie. Il ne voyait alors qu'une option : la mort.

Il a consulté des sites web pour trouver des façons de mourir. Il a notamment lu sur l'éthylène glycol, substance hautement toxique contenue dans l'antigel.

Il s'est mis à chercher de l'antigel au sous-sol de la maison, mais n'en a pas trouvé. Il croyait qu'il était trop tard pour aller en acheter au Canadian Tire. Alors, il s'est rabattu sur le méthanol, contenu dans le lave-vitre.

Le méthanol cause une mort lente et plus de deux fois moins d'effets d'ébriété que l'alcool de consommation.

En tant que professionnel de la santé, Turcotte connaissait bien le méthanol. Surtout que son ex-conjointe avait dû se rendre à l'hôpital avec Anne-Sophie, en 2007, alors qu'ils croyaient qu'elle en avait bu.

Pourquoi donc l'accusé a-t-il choisi cette façon pour mourir, si c'était son réel désir ? Surtout, apprend-on, qu'il avait 94 % des chances d'échouer. Voilà une bonne question et la poursuite n'a pas manqué de talonner Turcotte avec ces éléments, au cours du contre-interrogatoire.

Des meutres horribles
Turcotte dit ne se souvenir que par flashs de la suite des tragiques événements.

Il dit avoir réalisé qu'après avoir bu du lave-vitre, les enfants le découvriraient mort, le lendemain. Un scénario qu'il ne souhaitait pas. Il a donc décidé de les emmener avec lui dans la mort, en les poignardant. ( une decision donc un acte volontaire et conscient)

«Je leur ai fait mal... Je me souviens des premiers coups. Après, je le sais pas. Y en a eu beaucoup. Trop de coups», se souvient-il. (encore une fois conscient)

Il a raconté avoir d'abord poignardé Olivier, qui s'est rendu compte de l'attaque. Il s'est défendu avec ses mains et a crié «Noooon !»

Turcotte ne peut pas croire qu'il a donné autant de coups que le pathologiste en a constatés à l'autopsie.

Puis, il a fait la même chose à Anne-Sophie.

Étrangement, contrairement aux habitudes établies, les enfants sont allés au lit ce soir-là sans avoir pris leur bain et sans avoir enfilé de pyjama. Olivier portait un pantalon de jogging alors qu'Anne-Sophie était en sous-vêtement, lorsque leurs corps ont été trouvés.

Et beaucoup plus tôt qu'à l'habitude, aussi.

Des questions sur lesquelles la Couronne a insisté, cette semaine, puisqu'elle pourrait y voir des pistes de préméditation.

Ajouter l'insulte à l'injure
Alors qu'elle avait perdu ses enfants, assassinés, depuis quelques semaines à peine, Isabelle Gaston a vu Guy Turcotte lui réclamer le certificat-cadeau pour un forfait spa, qu'il lui avait offert à Noël, deux mois avant le drame.

C'est lors du contre-interrogatoire de la Couronne, mené par Me Claudia Carbonneau, que ces éléments sont sortis.

Turcotte était à ce moment interné à l'institut psychiatrique Philippe-Pinel.

«C'était une erreur de lui avoir acheté ça. Elle me trompait déjà. J'avais pas eu de cadeau de Noël», a justifié Turcotte.

Mais ce n'est pas tout. Il a aussi voulu récupérer une poche de patates, trois pompes à savon, un CD de relaxation, des billets pour un spectacle de Marie-Mai. Il a aussi fait retirer le nom d'Isabelle comme bénéficiaire de son assurance-vie.

Tout ça n'a rien à voir avec une quelconque vengeance ou punition, si on suit son témoignage.

«Une des obsessions que j'avais (à Pinel), c'est le manque d'argent», a-t-il expliqué(Quel etait les autres obsessions) avocats à payer, mais n'avait plus de revenu, il lui fallait trouver de l'argent. C'est notamment ainsi qu'il s'y est pris.

Des questions importantes sur lesquelles la Couronne est revenue, puisqu'elle donne une indication de l'état d'esprit de l'accusé peu après les crimes.