Campagne de soutien aux artistes et intellectuels tunisiens

Nous, soussigné(e)s, membres de la communauté tunisienne et ami(e)s de la Tunisie en Amérique du Nord, condamnons fermement toutes les formes de violence à l’égard des artistes et intellectuels tunisiens. Nous manifestons notre soutien total à tous les créateurs et les penseurs de Tunisie qui subissent depuis des mois, et avec le silence complice, voire le soutien tacite sinon avoué des autorités, le harcèlement et la violence des groupes obscurantistes et sectaires, qui cherchent à imposer une vision unique de l’avenir politique, social et culturel de la Tunisie et mettre un peuple entier au pas afin de réaliser leur projet dogmatique et totalitaire.

Le point culminant est cet appel récent à verser leur sang par le représentant de la plus prestigieuse institution religieuse de Tunisie, ce que nous considérons comme un acte criminel de la plus grande gravité. Il ne suffit pas de le démettre : il doit faire l’objet de poursuites en justice, comme tout individu appelant au meurtre. Le respect de la vie humaine est sacré.

Nous condamnons également les dangereux calculs du régime qui, en modulant sa tolérance à la violence selon ses besoins politiques, soufflant à la fois le chaud et le froid, profite des occasions de violence pour camoufler son incapacité à diriger le pays et ses multiples échecs sur tous les plans en justifiant la mise sous tutelle de l’art et des artistes, et ce, dans une volonté évidente d’éliminer toute création libre, et surtout, toute pensée critique. Ces autorités, sans légitimité de gouverner – rappelons que les élections du 23 octobre 2011 avaient pour but d’élire une Assemblée constituante, et non de donner un chèque en blanc pour former un gouvernement –, semblent agir selon un calendrier manichéen visant à s’accaparer pour longtemps du pouvoir en Tunisie, en éliminant graduellement ceux et celles qui peuvent lui résister, en instaurant un climat de peur et en mettant en place des lois liberticides.

Nous condamnons aussi l’instrumentalisation, par le gouvernement d’Ennahdha, de la religion à des fins politiques et le recours systématique au sentiment religieux pour fins de propagande et de mise en place d’une forme inquisitoriale de gestion du pays, dans une perspective de mise au ban de la société de toute une frange intellectuelle de la société tunisienne, lui niant toute la diversité culturelle et civilisationnelle pourtant si profondément ancrée dans l’histoire de la Tunisie.

Nous considérons que l’art aussi est sacré, et qu’un pays sans art, sans création libre et sans pensée libre, se met lui-même en marge de l’histoire et est dans l’incapacité d’affronter les idéologies extrémistes et fanatiques.

L’art – et c’est une vérité inscrite dans l’histoire – est l’ennemi des tyrans. Par conséquent, nous appelons de tous nos vœux la société civile en Tunisie et ailleurs à se mobiliser contre tout abus touchant la liberté d’expression sous toutes ses formes et à condamner sans relâche la violence verbale et physique contre les artistes et les intellectuels de Tunisie.

 

Montréal, le 15 juin 2012.