Alerte! Les restaurateurs francais du patrimoine sont en danger!

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Julie Catalo-Manuel

#19

2016-03-18 16:54

Une pétition qui fait chaud au coeur!

La conservation-restauration n'est pas seulement du bichonnage de choses jolies..

La conservation-restauration permet la sauvegarde d'un patrimoine matériel. Ce patrimoine matériel doit être considéré comme un document qui va être, sera (ou ne sera jamais!), étudié par des chercheurs de tous bords. Notre rôle, avec tous les acteurs du patrimoine, est de donner à : à voir, à analyser, à utiliser, à tester, à dupliquer, à critiquer, etc... et de faire passer aux générations futures.

Notre discipline est trés spécifique et doit être considérée à part entière pour ne pas faire dire n'importe quoi à l'histoire et donc au présent.

Je suis conservatrice-restauratrice d'oeuvres sculptées, diplomée d'état et installée depuis 10 ans : quand tout va bien, je travaille plus de 45 h par semaine et gagne entre 800 et 1000 € par mois. Je sais que je ne suis pas un cas isolé, malheureusement et je m'en sors mieux que d'autres qui tombent comme des mouches. 

Mais.... c'est tellement merveilleux comme métier!!

bon courage à toutes et à tous!

 

Réponses


Visiteur

#26 Re:

2016-03-18 20:22:07

#19: Julie Catalo-Manuel -  

 

le métier n'est plus possible sans une solide avance de trésorerie, une grande résistance physique et un moral  en acier

j'ai des commandes, je paye mes cotisations obligatoires, je reçois des paiements généralement en fin d'année qui me permettent de rembourser les avances demandees dans l'annee a mes proches, les agios, les emprunts, les pénalités de paiements en retard etc.

c'est une noyade avec une implication non stop

quelles que soient les raisons, le constat est celui-là : a pres de 40 ans je dépends entièrement de mes proches pour un investissement quasi surhumain

 


Visiteur

#30 Re: Témoignage de colibri : une mouche qui tombe

2016-03-19 11:50:51

#19: Julie Catalo-Manuel -  

  Egalement conservatrice-restauratrice d'oeuvres sculptées diplômée, habilitée à travailler pour les museés de France, j'exerce depuis treize ans, essentiellement avec les MH. C'était un souhait : traiter les objets ruraux, provinciaux, avec la même exigence éthique et technique que les oeuvres de musées, comme pour tout bien culturel qui a traversé souvent des siècles et qui devra nous survivre, en demeurant des objets d'études (matérielle, éthnographie, culturelle, historique, économique, etc.). C'est à dire en produisant, aussi, autant que possible, d'étayés rapports d'étude et d'intervention pour chaque, quel qu'il soit, sans distinction entre les plus sublimes et les plus vernaculaires. La remise en valeur des biens passe aussi par là, et nos formations nous donnent le bagage nécessaire pour fournir ces dossiers, collectes d'archives, synthèses et miroir de nos interventions.

Hélas, tant de temps de travail non rémunéré, tant d'argent perdu - sans parler des sommes englouties dans l'aménagement de l'atelier (avec jubilation et pleine d'illusions à l'époque, quitte à tout y investir) - pour aller faire des devis gratuits bien loin .. gratuits, c'est-à-dire aux frais du prestataires comme le veut d'indéboulonnable usage (au moins trois prestataires consultés, à la même enseigne, pour chaque objet, rappelons-le, c'est assez fréquent), pour des communes juste curieuses, ou indécises et qui finissent par oublier le dossier; tant d'enthousiasmes noyés, tant d'incompréhension dans les petits villages (sur nos taux horaires comme sur la minutie de nos intervention - en tout cas au moment de choisir les devis quand, en lice, sont ceux d'autres types de restaurateurs, moins chers, moins éloignés, peut-être techniquement compétents, mais à dimension unique) , et même parfois, ai-je cru constater, les positions border-line de quelques responsables locaux...

À la clef, au-delà des aspects pécuniaires (radiée finalement d'un RSA versé une seule fois en un an puis interrompu - en raison du système de déclaration inadapté aux libéraux, qui a engendré des recommandations contradictoires de la CAF et des réponses de ma part apparemment inadaptées, en suivant pourtant lesdites instructions  !), au-delà des aspects matériels, donc, cela engendre une telle déstabilisation, une perte de confiance abyssale, l'isolement, on s'approche du bore-out, ce pendant du burn-out, ce sentiment qui peut fleureter  - c'est peu dire - avec la dépression, dû à un emploi sans exploitation des compétences réelles, ou à ne rien faire du tout.
À terme, à travailler (sur des échafaudages pour les chantiers qui le nécessitent ? ou sous nos combinaisons, masques à solvants, et avec loupe binoculaire ?) jusqu'à plus de 80 ans, une retraite évaluée à ce jour à si peu (cent-vingt euros par mois ?) : l'indigence à l'horizon. 
Il faut une profonde capacité à se resourcer sans arrêt, à lutter contre la gangrène émotionnelle, ce moral d'acier évoqué ailleurs ici, pour ne pas sombrer quand tout cela dure. 

Oui, nous faisons un métier merveilleux, je rejoins Mme Catalo-Manuel et je ne le conterdirai jamais, et c'est sans doute ce qui nous fait tenir au-delà du raisonnable et du réaliste, mais les coulisses en sont plus qu'austères : elles nous rongent. C'est un suprenant mariage.

 

MERCI DONC, INFINIMENT MERCI, A TOUS LES SIGNATAIRES, et aux initiateurs et soutiens du mouvement.