Du gel et des brèches: agir pour le cégep français

Lettre ouverte destinée à la circulation dans les médias; récolte de signatures.

 

Du gel et des brèches : agir pour le cégep français

 

 Radio-Canada nous annonce ce matin que le gouvernement Legault aurait l’intention de contingenter les places au cégep anglais et de « colmater les brèches » qui permettent aux cégeps francophones de dispenser un enseignement bilingue ou « entièrement en anglais ». (https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1771617/contingentement-places-cegeps-anglophones-quebec-education)  

 

La bonne nouvelle, est qu’il semble que le gouvernement ait finalement entendu le message: la forte croissance des cégeps anglais est une anomalie qui dénature notre réseau collégial. Rappelons que les cégeps anglais ont été créés pour accommoder la minorité anglophone, qui a certainement droit à un enseignement supérieur public financé par les contribuables, mais qu’ils n’ont pas pour vocation de faire ce qu’ils font maintenant : attirer l’élite étudiante de toutes langues confondues en contribuant ainsi à l’anglicisation d’allophones et de francophones (qui constituent le gros de leurs effectifs), comme à la minorisation et à la dévaluation symbolique des études supérieures en français, particulièrement dans la métropole. Tant et si bien que les administrations collégiales francophones tentent désespérément, depuis des années, de « bilinguiser », pour ainsi dire, leurs propres cégeps.

 

  Réjouissons-nous donc un peu. Mais pas trop. En premier lieu, le contingentement, qui est certainement mieux que rien, n’est qu’une mesure administrative qui pourra être être annulée ou contournée,  comme cela a d’ailleurs été le cas dans le passé. D’autre part, elle ne saurait freiner la dévaluation des études collégiales en français dans la métropole : au contraire, elle contribuera à rehausser le prestige des études en anglais, en les rendant encore plus exclusives. Or, la perte de prestige des études en français est l’un des effets pervers les plus inquiétants de la dynamique linguistique actuelle : les jeunes francophones et allophones les plus brillants délaissent les institutions que dans un monde normal, ils devraient fréquenter, auxquelles ils devraient participer avec leur apport créatif. Que les cégeps français, à Montréal, soient en passe de devenir une sorte de voie de garage est décourageant. Autre effet pervers notable : la multiplication d’étudiants anglophones dans les cégeps francophones. Des étudiants trop faibles pour fréquenter les institutions qui leur sont pourtant destinées parce qu’ils en sont éjectés par des francophones et allophones aux moyennes plus fortes. C’est le monde à l’envers.   

 

Nous aimerions aussi beaucoup savoir ce que le gouvernement veut dire, quand il annonce « la fin de la récréation » : va-t-il, oui ou non, aller de l’avant avec ce projet absurde d’agrandissement du cégep Dawson? Va-t-il contingenter les places avant, ou après avoir définitivement transformé ce collège en un Béhémoth impossible à concurrencer? On aimerait savoir!  

 

Enfin, on nous parle de « colmater les brèches » pour empêcher la « bilinguisation » des cégeps francophones. Excellente nouvelle. En revanche, a-t-on bien compris là-haut que la brèche capitale, la brèche absolue, est que le roi est nu? C’est-à-dire que l’identité linguistique des cégeps n’est nulle part inscrite dans la loi! Il n’existe pas, juridiquement, de cégeps « francophones » : s’ils dispensent leur enseignement en français, c’est une simple affaire de coutume. Il suffit d’une décision administrative pour modifier la politique interne quant à la langue d’enseignement – et voilà! Théoriquement, un cégep français pourrait devenir « bilingue » du jour au lendemain. Il faut l’inscrire dans la loi : les cégeps français dispensent leur enseignement en français, point à la ligne.

 

Ça tombe bien, quand on y songe : le gouvernement n’est-il pas en train de retravailler la Charte de la langue française? Nous avons donc une suggestion : qu’il modifie donc l’obscur chapitre VIII.I de la Charte de sorte à graver dans le marbre ce qui devrait être un truisme, mais n’en est malheureusement pas un: les cégeps français sont français et la langue d’enseignement dans ces établissements est le français (ces normes devant également s’appliquer aux collèges privés). (http://www.revueargument.ca/article/1969-12-31/740-la-langue-invisible-le-confinement-du-francais-dans-lenseignement-superieur-au-quebec.html)  

 

Si le gouvernement va jusqu’au bout de ses prétentions, c’est-à-dire, s’il comprend que « contingenter les places » signifie l’abandon du projet d’agrandissement de Dawson, et que « colmater les brèches » signifie colmater LA brèche qui permet les DEC bilingues, nous pourrons enfin prendre au sérieux sa volonté affichée, mais jusqu’ici jamais démontrée, d’être un gouvernement qui, au moment critique, aura pris ses responsabilités face au français.    


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