Gardons le CRAPO à Saint-Jean-de-Matha

Robert Morin

/ #46 Re: crapo

2015-01-29 16:48

#40: zorro - crapo 

 

abcdef

Cher monsieur Zorro,

 

Je vous réponds à titre d’administrateur du Centre régional d’animation du patrimoine oral (CRAPO) depuis 8 ans, mais surtout en tant que contribuable mathalois depuis plus de 30 ans. Tout d'abord, si vous semblez vous poser des questions sur la gestion du CRAPO, sachez que ce n’est pas une entreprise privée, c’est un organisme à but non lucratif (OBNL), qui tiendra d’ailleurs son assemblée générale annuelle dans quelques semaines. Comme dans tous les OBNL, il vous suffit d’être membre en règle de l’organisme et d’assister à cette assemblée pour y poser toutes vos questions, tous les chiffres sont publics et nous serons heureux de vous y accueillir. Vous pourriez même y être élu à un poste d’administrateur, si vous avez du temps et de l'énergie à consacrer bénévolement à la promotion de la vie culturelle québécoise en région de Lanaudière. «Combien ça coûte?» Juste une cotisation de membre à 20 $ par année, avec rabais sur tous les spectacles. Mais pour devenir administrateur, il vous faudra sans doute retirer votre masque de Zorro… ;-)!

 

En tant que contribuable mathalois depuis plus de 30 ans, j’ai toujours accepté que la municipalité investisse dans une patinoire, un préau, un terrain de soccer, un terrain de balle, etc., même si je ne pratique aucune de ces activités, car cela fait partie de la qualité de vie d’une municipalité. Cette année, lors de la présentation du budget municipal, j’ai appris que la municipalité a prévu la construction de courts de tennis. Pourtant, ce n'est pas tout le monde qui joue au tennis, et un court ne peut accueillir que 4 personnes à la fois! À ma connaissance, lors de la séance sur le budget, personne n’a posé la question « Combien ça coûte ce projet de tennis? » (à moins que je ne vous aie pas reconnu à cause de votre masque…monsieur Zorro!). Mais, je sens bien que dans le cas du CRAPO, cette question vous brûle la langue« Combien ça coûte? », et je vais donc tenter de vous préciser certaines choses à ce propos.

 

À ma connaissance, et ayant été conseiller municipal pendant deux mandats, à moins que les choses aient bien changé, Matha est une municipalité relativement riche et parmi les mieux nanties de la région, et on peut en être fiers. Or, dans son budget de cette année, la seule véritable dépense inscrite au poste « Culture » à Matha, c’est la bibliothèque municipale, qui d’ailleurs est l’une des plus performantes dans Lanaudière, grâce notamment au dynamisme et à la créativité des gens qui s’y dévouent. Le succès de notre bibliothèque et les appuis recueillis dans la présente pétition témoignent clairement de l’importance que les gens accordent à la culture.

 

Et pourtant, cher monsieur Zorro, en tant que Québécois, seuls Gaulois dont la culture doit survivre dans un océan anglophone nord-américain, pourquoi certains d’entre nous sont-ils parfois aussi peu fiers, sinon même dénigreurs de notre propre culture? Pourquoi certains décideurs sont-ils si frileux lorsqu’il s’agit d’investir dans notre culture, qui a pourtant bien besoin qu’on la préserve et qu’on en soit fiers. Comment expliquer que des membres du gouvernement actuel à Québec parlent de couper les subventions à notre cinéma québécois, qui est si remarquable et si remarqué partout dans le monde, et même que nos meilleurs cinéastes nous sont volés les uns après les autres par les gros producteurs de Hollywood en panne de créativité. Comment certains Québécois peuvent-ils encore dire : « Le cinéma québécois, c’est platte! »? Pourquoi ne pas plutôt reconnaître ce qui fait notre richesse, ce qui nous distingue?

 

Je me souviens, par exemple, d’un Mathalois qui se vantait d’aller souvent aux chutes de Ste-Ursule parce que c’était tellement beau, mais il ne mettait jamais les pieds aux chutes Monte-à-Peine dans son propre village. Quand il fut question que Matha investisse aux Chutes, sa première question fut : « Combien ça coûte? Et sa réponse : « Trop cher (viande à chien!) ». Heureusement que d'autres Mathalois ont vu et reconnu la richesse de ce site naturel et ont eu la vision nécessaire pour le mettre en valeur. Mais revenons à la question « Combien pour le CRAPO? » Nous, après 10 ans, ce que nous demandons, c'est un partenariat avec la municipalité, et un partenariat, ça n'est pas juste une question d'argent, c'est aussi et surtout une question de collaboration. Un partenaire, c'est un maire qui est assis à vos côtés pour promouvoir le CRAPO à la table des maires de la MRC, pour défendre votre dossier de réaménagement de la salle de spectacle auprès du CLD, pour vous appuyer auprès de la Caisse populaire pour qu’elle devienne commanditaire de la programmation comme cela se fait ailleurs dans Lanaudière. Un maire partenaire, ça prend instinctivement le téléphone pour appuyer le CRAPO dans sa recherche d’autres partenaires dans le secteur privé. Bref, un partenaire, ça joue un rôle actif et positif, un rôle d’agent de développement, parce que ça comprend la valeur d’avoir un lieu de diffusion culturel régional sur son territoire. Un vrai partenaire, ça comprend ce que ça vaut une couverture pour Matha chaque semaine dans les journaux régionaux et nationaux, dans les radios régionales et nationales, ce que ça vaut un organisme qui anime la vie culturelle municipale, ce que ça vaut aussi quand des gens viennent de l'extérieur pour voir un spectacle et prennent un bon repas dans un resto ou même une nuitée à Matha. Comme le disent en chœur les maires Coderre et Labeaume : «La culture, ce n’est pas une dépense, c’est un investissement. » Et un maire partenaire, ça comprend cela!

 

Mais je vous entends monsieur Zorro : «Ouais!, mais COMBIEN ça coûte? » Alors, soyez sans crainte, le CRAPO ne demande pas la lune, juste un soutien normal et raisonnable à son fonctionnement, comme le font TOUS les organismes de diffusion culturelle, du plus gros au plus petit, de la Place des Arts de Montréal, en passant par la Salle Rolland-Brunelle de Joliette ou le café culturel La chasse-galerie de Lavaltrie, parce que la culture fait aussi partie des responsabilités qui incombent à une municipalité, et au Québec sans doute plus que n’importe où ailleurs sur le continent nord-américain. Nous espérons au moins avoir l’occasion de pouvoir en discuter avec les membres du conseil municipal, de regarder cela ensemble, mais ce « combien » serait certainement quelque chose comme une fraction de ce que ça coûte en chauffage pour le centre communautaire ou l’équivalent de quelques centaines de pieds d’asphalte. Ou, à titre comparatif, ce serait probablement une fraction de ce que la municipalité de Saint-Alphonse investit pour tenir cinq soirées de spectacles durant l’été, alors qu’à Matha, le CRAPO présente des spectacles tout au long de l’année. Il faudrait peut-être changer et nous poser la question « Combien ça vaut? »

 

À l’époque où j’étais conseiller municipal, je me souviens que les élus se disaient que ce serait formidable si, à cause de nos investissements dans nos installations sportives (baseball, soccer, patinoire, etc.), un ou plusieurs jeunes Matahlois pouvaient percer dans ces sports. Question de fierté! Or, je connais au moins deux jeunes Mathalois qui ont profité de leurs cours de musique au CRAPO et des spectacles qu’ils y ont vus pour percer dans le milieu de la musique et devenir des virtuoses. Nous pouvons en être très fiers! « Combien ça vaut ça ?»

 

En terminant, cette semaine, j’ai eu le très grand plaisir de voir un formidable film au CRAPO, un film qui parle d’amitié, d’amour, de liberté, de générosité et de courage dans l’Espagne sous la dictature de Franco. Pas de catastrophes, ni de bombes, ni de poursuites en hélicoptère, juste un film qui nourrit l'âme et qui nous rend un peu plus humains... « Combien ça vaut ça? » Certainement bien plus que les 6 piastres que ça m'a coûté!