Mettre fin à la diffusion du film au nom de l'honneur


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2012-06-10 18:33

DILEMME
Depuis un moment, un nouveau feuilleton a fait son entrée dans la grille de programmes de la première chaîne de la télévision ivoirienne, RTI1. Ce feuilleton Japonais a pour titre OSHIN [lire OSHINE], du nom de l'actrice principale. Issue d'une famille très pauvre et après le décès de sa sœur ainée sur qui reposaient toutes les charges de la famille, OSHIN va quitter sa ville natale pour Tokyo, afin d'y gagner sa vie et de soutenir sa famille. Dignité, courage, détermination d'une jeune fille et par delà, du peuple auquel elle appartient; telle est l'histoire que peint ce film nippon.
Lorsque, pour la première fois, je suis tombé (par hasard, car je ne suis pas un fan des feuilletons tels qu'on les a connus jusque là) sur une des épisodes de ce feuilleton, je n'ai pas caché ma joie de voir notre télévision rompre avec le passé. Voici enfin un feuilleton digne de retenir l'attention, me suis-je dis. En effet, nombre de citoyens, dont moi-même, se plaignaient de ce que les feuilletons diffusés par le passé sur la chaîne nationale, n'avaient rien d'instructif. Ils n'abordaient d'autre thème que l'amour. D'origines hispanophones ou lusophones, ils présentaient des personnages souvent plus nus qu'habillés, s'abandonnant régulièrement à des scènes lascives. Tant et si bien que certains n'hésitaient pas à qualifier ces films de pornographiques. Et comme ils étaient diffusés aux heures du déjeuner et du dîner, c'est-à-dire à des moments où généralement toute la famille (parents et enfants) est réunie autour du repas, on imagine aisément combien inconfortable était la posture dans laquelle pouvaient se trouver les parents. En un mot, ces feuilletons apportaient plus de mal que de bien à notre société.
C'est pourquoi moi je me suis félicité de l'avènement de OSHIN sur les antennes de la RTI1. Cela était sans doute la preuve que les responsables de cette chaîne mesuraient dorénavant l'influence de ses programmes sur notre société et notamment sur sa frange jeune. Et que par conséquent, ils voulaient désormais s'en servir pour véhiculer les valeurs indispensables à tout peuple aspirant au développement, à travers justement la diffusion de films tels que OSHIN. N'est ce pas qu'il faut forger des mentalités nouvelles dans la Côte d'Ivoire nouvelle? En tout cas, je ne manquais pas d'arguments positifs pour m'expliquer l'instauration de ce feuilleton dont, du reste, je m'étais engagé à regarder régulièrement les épisodes.
Mais quelques jours plus tard, mon père me parla d'une émission qu'il avait écoutée sur la radio islamique Al bayane. Au court de cette émission disait-il, l'animateur, d'une voix lourde d'émotion, avait longuement dénoncé la diffusion d'un feuilleton qui passerait sur les antennes de la RTI1, tous les après-midi. Ce film présenterait l'Islam comme une religion rétrograde. S'agissait-il de OSHIN? m'interrogeai-je. "Mon" OSHIN dont je disais tant de bien ? Ce film tirerait-il sur l'Islam sans que je ne m'en sois aperçu ? Non! Ce n'était pas possible! Rien dans OSHIN ne tendait à s'attaquer à la religion sainte, quoique les croyances de la majorité des peuples asiatiques soient connues de tous. Renseignements pris, il s'avéra qu'il s'agissait plutôt d'un feuilleton qui était présenté du Lundi au Vendredi, après le journal de 13 heures. Un feuilleton dénommé AU NOM DE L'HONNEUR. Je ne le connaissais pas et ne cherchai même pas à le connaître.
Je dus à cet instant réviser les explications(trop naïves?) que je m'étais données de l'instauration de OSHIN. En effet, je m'étais peut-être trop précipité en considérant que cette innovation était née du souci des autorités de la RTI1 de tenir compte des désidératas de leurs téléspectateurs. Il me fallait à présent être plus rigoureux dans mon raisonnement. Deux hypothèses se positionnèrent sur le ring de mon esprit :
*Oui, j’ai raison de croire en la bonne volonté des dirigeants de cette chaîne. Seulement, la mutation ne saurait se faire d’un coup de bâton magique. L’instauration de OSHIN constitue le premier pas vers ce changement. Nous irons ensuite progressivement vers la suppression de tous ces films davantage dégradants que constructifs. Et puis, le caractère anti-islamique de AU NOM DE L’HONNEUR a sans doute échappé à la sagacité des patrons de la maison bleue! Une fois qu’ils se rendront compte du mécontentement d’une partie de la population, ils retireront purement et simplement ce film de leurs programmes.

*Non, ces gens ont compris qu’il suffisait de changer l’origine de leurs feuilletons, sans tenir compte particulièrement de leurs contenus : anti-islamiques ou pas, peu importe. Ne sommes- nous pas dans un pays laïc ? Pour peu que ces films ne comportent plus les scènes impudiques dont se plaignaient les consommateurs. C’est ce qui explique que l’on ait abandonné tant soit peu les productions occidentales et américaines, pour se tourner vers les feuilletons asiatiques (Japon, Inde…) et arabes, où les acteurs observent un minimum d’éthique vestimentaire. Si à cela, on ajoute le fait que ces dernières productions coûtent vraisemblablement moins chers que les premières, on en arrive à l’évidence que notre télévision nationale a tout intérêt à les privilégier.
J’étais encore partagé entre ces deux raisonnements diamétralement opposés, lorsque j’ai ouvert la page web de la radio Al bayane et que j’ai découvert la pétition. Et c’est après avoir signé celle-ci que j’ai décidé de vous livrer ce témoignage. Témoignage qui rend compte de mon dilemme. Dilemme duquel je sortirai heureusement avec la suite que les décideurs donneront à notre pétition.