Opposition au projet de loi interdisant aux employé-e-s de l’État de porter des symboles religieux / Opposition to the proposed law prohibiting civil servants from wearing religious symbols

Montréal, le 8 octobre 2018

Cher M. Andrés Fontecilla,

En tant que le nouvel élu de Laurier-Dorion, nous, les résidant-e-s soussigné-e-s du district, estimons qu’il est important de vous écrire cette lettre pour exprimer notre profonde préoccupation face à la promesse faite par la Coalition Avenir Québec (CAQ) de présenter une loi interdisant les employé-e-s de l’État, y compris les enseignant-e-s, juges, procureur-euse-s et les policier-ière-s, de porter des symboles religieux sur leurs lieux de travail. Cette lettre expliquera brièvement les principales raisons de notre opposition et expliquera également l’importance pour vous et votre parti (Québec Solidaire) de prendre une position ferme contre ce projet de loi.

Tout d’abord, le projet de loi interdisant aux employé-e-s de l’État de porter des symboles religieux est contraire à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui est au cœur même de notre système juridique. Selon la Charte des droits et libertés de la personne du Québec : « Vous avez le droit d’avoir les croyances religieuses de votre choix, de les pratiquer et de les exprimer sans crainte ni représailles. Vous avez aussi le droit de ne pas pratiquer de religion. ». Le licenciement de quelqu'un ou le refus d'embaucher quelqu'un fondé sur la religion constitue clairement une mesure de représailles et est fondamentalement contraire à notre Charte des droits et libertés.

De plus, ce projet de loi est une source de division. Son entérinement créerait une société à deux classes ; une à laquelle certains de nos concitoyen-ne-s auront accès, tandis que d’autres non. Plutôt que la division et l'exclusivité, nous voulons un Québec inclusif fondé sur le respect et l'égalité. Le district de Laurier-Dorion en est un parfait exemple. Des personnes de divers milieux culturels et religieux vivent côte à côte en harmonie depuis des décennies. Selon l’analyse territoriale réalisé en 2015-2016 par Centraide, Parc-Extension est le quartier qui compte la plus forte concentration d’immigrants (61%) à Montréal. Ce quartier est un exemple parfait de l’harmonie culturelle et religieuse et vit au quotidien les principes de respect et d'égalité.

Nous sommes également préoccupés par le fait que cette loi est proposée et serait décidée par un groupe homogène de personnes ne faisant pas partie de minorités culturelles et / ou religieuses. De la même manière que nous ne voudrions pas qu’un groupuscule d’hommes décide des enjeux des femmes sans leur participation, nous devrions nous opposer à une loi qui affecte directement les membres de communautés culturelles sans leur consentement ou leur implication directe. Nous savons tous que ce projet de loi ciblerait injustement certaines personnes (femmes musulmanes, hommes sikhs et hommes juifs, par exemple). Ce ne serait pas une loi neutre ou juste, car elle ciblerait de manière disproportionnée certains groupes de personnes. Ce projet de loi est fondamentalement discriminatoire.

Le discours du «Vivre-ensemble» est souvent utilisé à Montréal. En 2015, Montréal a accueilli le Sommet Vivre ensemble. Il est ironique de promouvoir le vivre-ensemble tout en épousant des idées discriminatoires. Les élus de Montréal devraient encourager le vivre-ensemble, ce qui n’est possible que par le respect et la protection des droits et libertés des minorités religieuses et ethniques et par la célébration de leur contribution à la société québécoise. Comme l'a dit Charles Taylor lui-même: « L’enjeu du vivre ensemble ne se réglera pas par des chartes ou des tests de valeurs, encore moins par des lois empêchant le port de signes religieux dans la police ou à l’Assemblée nationale, croit-il. Il ne faudrait pas que la CAQ propose ce genre de mesures discriminatoires. » (Charles Taylor, L’homme de la réconciliation, Le Devoir).

Le principe même qui veut que l'on ne puisse pas être neutre dans ses opinions et ses valeurs parce qu'il a choisi de porter un vêtement religieux / culturel est erroné. La laïcité « décourage la participation religieuse dans les affaires du gouvernement, en particulier l'influence religieuse dans la détermination des politiques de l'État ; elle interdit également la participation du gouvernement aux affaires religieuses et, en particulier, son influence sur la détermination de la religion » (Wikipedia). Nous pouvons donc rester une société laïque avec une séparation claire de l’Église et de l’État tout en respectant les droits et libertés de l’homme. Une personne au travail doit être jugée sur son caractère, son comportement et son professionnalisme, et non sur son apparence physique.

Enfin, il a été démontré que les nouveaux arrivants au Québec connaissent un taux de chômage plus élevé, des revenus plus bas et sont surqualifiés pour leurs emplois contrairement aux autres Québécois, selon un rapport d'un groupe de recherche indépendant. Le rapport, publié par l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS), a révélé qu'au cours des dix dernières années, le taux de chômage des immigrants (11,2 %) était presque le double de celui des personnes nées au Canada (5,8 %) » (Les immigrants québécois sont plus susceptibles d'être au chômage, Radio-Canada, 27 septembre 2016). La Ville de Montréal a lancé une consultation publique sur le rôle que joue la discrimination systémique dans ce taux de chômage élevé, entre autres impacts. Au Québec, l'enjeu n'est donc pas l'immigration mais l'intégration des nouveaux arrivant-e-s, et les décisions biaisées et discriminatoires prises par les autorités de notre État – non par des personnes portant ouvertement des symboles religieux, mais à leur encontre. Les élu-e-s québécois devraient se donner la peine de trouver des solutions à ce problème. En tant que société, nous devons nous attaquer à la fois aux obstacles systémiques et à la discrimination ouverte qui entrave l'intégration économique des immigrants. Ce projet de loi interdisant aux employé-e-s de l’État de porter des symboles religieux viendra s'ajouter à la liste déjà existante d'obstacles auxquels les personnes immigrantes sont confrontés lors de l'intégration du marché du travail et légitimera involontairement d'autres discriminations.

Monsieur Fontecilla, en tant qu'élu représentant un des quartiers les plus diversifiés de Montréal, il est essentiel que vous représentiez les vues et les intérêts de vos électeurs et électrices. Il est donc primordial que vous vous opposiez fermement au projet de loi de la CAQ interdisant aux employé-e-s de l’État de porter des symboles religieux sur leur lieu de travail. Cette loi nuirait directement au bien-être d’une proportion importante de vos électrices et électeurs.

Enfin, vous devez faire part de ces préoccupations au sein de votre parti, Québec Solidaire, dans l’espoir que votre parti reconsidère sa position sur cette question. En tant que parti progressiste qui défend la justice, Québec Solidaire devrait s'opposer à toute forme d'interdiction. Les Québécois en ont assez des divisions. Nous voulons le respect et l'inclusion. Nous voulons que Québec Solidaire représente les intérêts de tous les Québécois.

Monsieur Fontecilla, nous vous remercions de votre temps et de votre considération, et nous espérons que vous défendrez les intérêts de vos électeurs et électrices et la liberté et l'égalité pour tous et toutes.

Nous vous remercions.

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Montreal, October 8, 2018

Dear Mr. Andrés Fontecilla,

As our new elected official in Laurier-Dorion, we the undersigned residents of this district believe it is important to write you this letter to express our deep concern for the Coalition Avenir Quebec (CAQ)’s promise to introduce a law prohibiting civil servants, including teachers, judges, prosecutors and police officers, from wearing religious symbols in the workplace. This letter will briefly explain the main reasons why we are opposed to this and will also explain the importance for you and your party (Québec Solidaire) to take a strong stance against this proposed law.

First and foremost, the proposed law prohibiting civil servants from wearing religious symbols runs contrary to Quebec’s Charter of Human Rights and Freedoms (Charte des droits et libertés de la personne). This charter stands at the heart of our legal system. According to the Quebec Charter of Human Rights and Freedoms: “You have the right to the religious beliefs of your choice, to practise your religion and to express your beliefs without fear of reprisal. You also have the right to have no religious beliefs and to practise no religion”. Firing someone from their job or refusing to hire someone based on religion is clearly a reprisal and fundamentally contradicts our Charter of Rights.

Furthermore, this proposed law is divisive. It would create a two-tier system; one to which one class of our fellow Quebecers will have access while others not. Rather than divisiveness and exclusiveness, we believe in an inclusive Quebec based on respect and equality. The district of Laurier-Dorion is a perfect example of this. Individuals from multiple cultural and religious backgrounds have been living side-by-side in harmony for decades. According to Centraide’s territorial analysis 2015-2016, Park Extension is the Montreal neighbourhood with the highest concentration of immigrants (61%). This district is a perfect example of cultural and religious harmony and it lives out daily the principles of respect and equality.

We are also concerned that this law is proposed and would be decided upon by a homogenous group of individuals who are not members of cultural and/or religious minorities. The same way that we wouldn’t want a small group of men deciding on women’s issues without the involvement of women, we should oppose a law that directly affects members of cultural communities without their consent or direct involvement. We all know that this proposed law would unfairly target certain people (Muslim women, Sikh men and Jewish men, for example). It would not be a neutral or fair law as it would disproportionally targets certain groups of people. This proposed law is fundamentally discriminatory.

The discourse of “Living Together / vivre-ensemble” is often used in Montreal. In 2015, Montréal hosted the Summit sur le vivre-ensemble. It is ironic to promote vivre-ensemble while espousing discriminatory ideas. Elected officials in Montreal should encourage vivre-ensemble and this is only possible by respecting and protecting the rights and freedoms of religious and ethnic minorities and celebrating their contribution to Quebec society. As Charles Taylor himself put it: “L’enjeu du vivre ensemble ne se réglera pas par des chartes ou des tests de valeurs, encore moins par des lois empêchant le port de signes religieux dans la police ou à l’Assemblée nationale, croit-il. Il ne faudrait pas que la CAQ propose ce genre de mesures discriminatoires.” (Charles Taylor, l’homme de la réconciliation, Le Devoir).

The very premise that one cannot be neutral in their opinions and values because they chose to wear a religious/cultural garment is flawed. Laïcité “discourages religious involvement in government affairs, especially religious influence in the determination of state policies; it also forbids government involvement in religious affairs, and especially prohibits government influence in the determination of religion” (Wikipedia). We can therefore remain a “laïc” secular society with a clear separation of church and state while also respecting people’s human rights and freedoms. A person should be judged at work by their character, their behaviour and by their professionalism, not by their physical appearance.

Lastly, it has been shown that “new arrivals to Quebec experience higher unemployment, have lower incomes and are more overqualified for their jobs than other Quebecers” according to a report by a independent research group. The report, published by the Institut de recherche et d'informations socio-économiques, found that in the past ten years, the unemployment rate for immigrants (11.2%) has been nearly double that of people born in Canada (5.8%)” (Quebec immigrants more likely to be unemployed, overqualified, report finds, CBC News, Sep 28, 2016). The City of Montreal has launched a public consultation on the role that systemic discrimination plays in this high unemployment rate, among other effects. Thus, the issue in Quebec is not immigration but the integration of newcomers, and the biased and discriminatory decisions that are indeed being made by our state's authority figures – not by people wearing visible religious symbols, but against them. Quebec elected officials should be putting their energies in finding solutions to this issue. As a society, we need to address both the systemic barriers and the overt discrimination that hinders the economic integration of immigrants. This proposed law prohibiting civil servants from wearing religious symbols will add to the already existing list of barriers that immigrants face in integrating the job market and will unintentionally legitimize further discrimination.

Mr. Fontecilla, as the elected official representing one of the most diverse neighbourhoods in Montreal, it is essential that you represent the views and interests of your constituents. It is thus crucial that you strongly oppose the CAQ’s proposed law prohibiting civil servants from wearing religious symbols in the workplace. This law would directly harm the wellbeing of a significant proportion of your constituents.

Lastly, we need you to bring forth these concerns to your own party, Québec Solidaire, in the hopes that your party reconsiders their stance on this issue. As a progressive party that stands for justice, Québec Solidaire should oppose any form of ban. Quebecers are tired of divisiveness. We want respect and inclusiveness. We want Québec Solidaire to represent the interest of all Quebecers.

Mr. Fontecilla, we thank you for your time and consideration and we hope that you will stand up for the interests of your constituents and for freedom and equality for all.

Thank you.


Résident-e-s de Laurier-Dorion / Residents of Laurier-Dorion    Contacter l'auteur de la pétition