Supprimer le redoublement ce n'est pas supprimer l'échec scolaire

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Nous, enseignants du lycée Paul Eluard, considérons que la suppression des redoublements dans le secondaire est une atteinte grave à l'égalité des chances scolaires. Nous considérons en outre qu'une telle décision prise sans concertation ni dispositif de substitution représente une menace pour le système national d'éducation.
Si le doublement apparaît pour beaucoup comme la pire des solutions, le supprimer n'en est pas une. En effet, nombre d'élèves, de par leur histoire ou leur origine sociale ont besoin de plus de temps scolaire, de refaire une année pour ne pas accumuler des lacunes qui les empêcheront de réussir leur scolarité.
Si les taux de doublement nationaux se situent autour de 10%, le besoin auquel répond cette pratique n'est pas également réparti sur le territoire. Le doublement quasi inexistant dans les lycées de centre-ville peut concerner jusqu'à 25 % des élèves de zone d'éducation prioritaire (DEPP, note d'information n°31 septembre 2014).
3T si les élèves doublants connaissent moins souvent que les autres un parcours scolaire d'excellence, nombre d'entre eux parviennent à obtenir un bac en restant une année de plus au collège ou au lycée. (CRDP-AC Versailles note n°3, juillet 1999)
Qu'adviendra-t-il de ces jeunes contraints ou invités à suivre le flux des montants sachant que, chaque année, 120 000 élèves quittent dėjà le système scolaire sans aucun diplôme? Dans quelle filière poursuivront-ils leur scolarité? Que deviendra l'enseignement dans ces filières contraintes d'accueillir des élèves en difficulté? Quelle sera l'utilité des conseils de classe, des évaluations et des notations qui ont pour fonction de faire prendre à l'élève conscience de son niveau ou de ses lacunes à combler ? Quelles seront les chances pour ces élèves d'obtenir la filière de leur choix dans le supérieur quand le dispositif APB ne retiendra que leurs notes de première ?
Devant autant d'incertitudes, et en l'absence d'alternative crédible au redoublement, nous appelons l'ensemble des enseignants de collège et de lycée à s'opposer à ce décret qui n'a qu'un seul objectif : reduire le coût de l'éducation des plus démunis. (Rappelons pour mémoire, que les classes bilangues supprimėes l'an dernier ont ėté retablies... à Paris.)

Nous appelons en outre l'ensemble du corps enseignant soit à boycotter les conseils de classe devenus anecdotiques soit à invoquer "la rupture importante de scolarité" (décret du 20 novembre 2014) pour justifier un redoublement jugé nécessaire par l'équipe pédagogique.
Nous demandons en outre que la mise en place de nouveaux dispositifs répondant aux besoins des élèves en difficulté, ainsi que les moyens affairants, précèdent la suppression des doublements.

                                                                                                                 Les enseignants du lycée Paul Eluard